Plasma Anion Gap
Le trou anionique dans le plasma est utilisé pour différencier l’acidose métabolique hyperchlorémique (AG normal) de l’acidose métabolique à AG élevé.161 Dans une acidose métabolique hyperchlorémique pure, il y a une augmentation du chlorure plasmatique équivalente à la baisse du bicarbonate plasmatique, de sorte que la somme de ces deux anions reste inchangée. Le calcul du trou anionique plasmatique fait partie de la démarche diagnostique car il permet de classer les troubles en catégories de trou anionique normal ou de trou anionique élevé. Bien que ces catégories puissent se chevaucher, la classification est néanmoins très utile aux cliniciens.160 Le trou anionique plasmatique dans l’acidose métabolique hyperchlorémique pure n’est pas augmenté, et peut même être légèrement réduit en raison du tamponnage des protons par les protéines. En cas d’acidose métabolique hyperchlorémique, une hyperchlorémie s’ensuit en raison d’une rétention rénale accrue des chlorures.18
Les états hypoalbuminémiques constituent un contexte clinique dans lequel le GA peut être faussement bas.162L’albumine est chargée négativement et constitue une part importante des anions non mesurés.165 Par conséquent, l’hypoalbuminémie conduira à une sous-estimation de la taille de l’AG et potentiellement à une incapacité à reconnaître une acidose métabolique à AG élevé cliniquement importante. Pour contourner ce problème, l’effet de l’albumine sérique sur l’AG plasmatique doit être pris en compte dans l’analyse des perturbations acido-basiques. Figge et al. ont dérivé une formule pour l’AG plasmatique qui tient compte de l’albumine sérique, laquelle est basée sur un modèle mathématique qui a été vérifié par des expériences in vitro162. Cette formule est la suivante :
En d’autres termes, pour chaque diminution de 1-g/dl de l’albumine sérique en dessous de 4,4 g/dl, l’AG observé sous-estime la concentration réelle d’anions non mesurés de 2,5 mEq/L.162 Il a été démontré que cette estimation est plus ou moins en corrélation avec d’autres formules qui prennent en compte l’effet de l’albumine plasmatique sur le trou anionique.165 Une autre solution consiste à simplement accepter que l’hypoalbuminémie entraîne un faible trou anionique et à utiliser ce trou anionique « de base » comme base de comparaison avec le trou anionique actuel dans un trouble acido-basique. Par exemple, si un patient atteint du syndrome néphrotique a chroniquement une albuminémie de 2,5 g/dl et donc que le trou anionique est typiquement autour de 7, alors un trou anionique actuel de 12, bien qu’apparemment normal, constituerait un trou anionique élevé de 5 unités pour ce patient et devrait déclencher une recherche de la cause.
Un faible AG plasmatique est observé dans certains myélomes à IgG dans lesquels la nature cationique de la paraprotéine entraîne une augmentation des anions chlorure afin d’équilibrer la charge cationique de la protéine166. En revanche, le trou anionique plasmatique est normal ou même augmenté dans les myélomes multiples associés aux paraprotéines IgA et IgG.166 Les paraprotéines IgG ont des points isoélectriques supérieurs au pH physiologique et sont chargées positivement. L’inverse se produit avec les paraprotéines IgA, qui ont des points isoélectriques inférieurs au pH physiologique. Elles se comportent comme des anions et lorsqu’elles sont présentes en grandes concentrations, le trou anionique devrait augmenter. Cependant, dans le cas d’un myélome à IgA, le GC est généralement normal en raison d’une hypoalbuminémie concomitante, qui peut ramener un GC élevé à un niveau normal. Ainsi, l’interprétation de la GA plasmatique nécessite un examen minutieux de toutes les variables possibles qui peuvent l’affecter.
Une limitation supplémentaire de l’utilisation de la GA plasmatique se produit dans la détection des troubles métaboliques mixtes acide-base.163 Traditionnellement, la relation entre les changements de la concentration d’anions non mesurés (ΔAG) et le changement de la concentration de bicarbonate sérique (ΔHCO3-) permet de découvrir la présence d’un trouble acido-basique mixte (typiquement une acidose métabolique à AG élevé accompagnée soit d’une alcalose métabolique, soit d’une acidose métabolique à AG normal). La déviation du rapport 1:1 présumé dans cette relation (ΔAG/ΔHCO3-) qui est présent dans une acidose métabolique AG élevée a été utilisée pour diagnostiquer ces troubles acido-basiques complexes.163 Lorsque le ΔHCO3- (en utilisant une valeur normale moyenne pour le bicarbonate de 24 mEq/L) dépasse le ΔAG, une acidose métabolique AG normale coexiste. À l’inverse, lorsque le ΔAG dépasse le ΔHCO3-, une alcalose métabolique est présente en plus de l’acidose métabolique AG élevée. Plusieurs études ont toutefois indiqué qu’il existe une variabilité de ce rapport, de sorte qu’un écart par rapport à un rapport 1:1 n’indique pas nécessairement la présence d’une acidose ou d’une alcalose métabolique AG normale coexistante. Cela est dû au fait que ce rapport 1:1 peut être transitoire et/ou dépendre du type d’acidose métabolique présent.163,167-171 Des études portant sur l’acidocétose ou l’acidose lactique, ainsi que sur des causes plus rares d’accumulation d’acides organiques telles que l’empoisonnement au toluène, ont montré que des rapports supérieurs à 1 ou inférieurs à 0,8 (ce dernier étant moins fréquent) étaient observés en l’absence d’une alcalose métabolique coexistante apparente ou d’une acidose AG normale.167,168,172-Cela souligne l’importance de tenir compte des antécédents du patient, de l’examen physique ou d’autres données de laboratoire pour définir avec précision un trouble acido-basique.163 Néanmoins, le taux d’AG plasmatique, avec toutes les mises en garde mentionnées précédemment, constitue un « point de départ » pratique pour l’évaluation de l’acidose métabolique et aide à surveiller dans le temps les changements dans les anions non mesurés tels que le lactate pendant le traitement de l’acidose métabolique dans le contexte aigu.