Résumé
L’épouse d’un homme riche meurt, laissant le veuf et leur fille. Sur son lit de mort, la mère dit à sa fille : » Si tu es bonne et que tu dises fidèlement tes prières […]. je regarderai du haut du ciel et je serai toujours avec toi. » L’année suivante, le veuf épouse une veuve avec deux filles, qui méprisent la fille de la maison. Elles l’habillent d’une vieille blouse et de chaussures de bois, en font leur servante et la forcent à dormir chaque nuit dans les cendres du foyer. Bientôt, la fille est si crasseuse que sa marâtre et ses demi-sœurs commencent à l’appeler Cendrillon.
Un jour, le père de Cendrillon visite une foire. Avant de partir, il demande aux trois filles ce qu’il doit ramener pour elles. Les demi-sœurs demandent de beaux vêtements et des bijoux, mais Cendrillon ne demande que « la première branche qui effleurera ton chapeau en rentrant à la maison ».
Le père revient avec des parures pour les demi-sœurs et une branche de noisetier pour Cendrillon. Elle plante la branche sur la tombe de sa mère, l’arrose de tant de larmes qu’elle devient un bel arbre. Cendrillon se rend trois fois par jour sur le noisetier pour prier. À chaque fois, un oiseau blanc la rejoint à l’arbre. Chaque fois que Cendrillon fait un vœu, l’oiseau lui apporte ce qu’elle a demandé.
Le roi du pays proclame qu’une fête de trois jours aura lieu. Lors de ce festival, le fils du roi rencontrera toutes les belles filles du pays et choisira une épouse parmi elles. Les demi-sœurs de Cendrillon sont invitées au bal qui aura lieu le premier soir du festival. Elle supplie de les accompagner, mais sa marâtre refuse. « Comment peux-tu aller au bal alors que tu n’as ni robe ni chaussures ? » demande-t-elle. Finalement, pour mettre fin aux supplications de Cendrillon, elle jette un bol de lentilles dans les cendres. Si Cendrillon peut choisir toutes les bonnes lentilles dans les deux heures qui suivent, elle pourra aller au bal.
Cendrillon vole dehors et appelle les oiseaux dans le ciel, implorant leur aide. Des oiseaux de toutes sortes affluent dans la cuisine et picorent dans les cendres pour l’aider à trier les lentilles. Mais la marâtre lui ordonne maintenant de choisir deux bols de lentilles dans les cendres. Une fois de plus, Cendrillon supplie les oiseaux de l’aider. Ils reviennent et trient toutes les lentilles pour trouver les bonnes. Encore une fois, la marâtre revient sur sa promesse, disant que Cendrillon la gênerait au bal.
À ce moment-là, Cendrillon rend visite au noisetier sur la tombe de sa mère. « Secoue tes branches, petit arbre », supplie-t-elle. « Jette de l’or et de l’argent sur moi. » Presto ! Elle est vêtue d’une robe d’or et d’argent et de chaussures d’or et d’argent. Cendrillon se rend rapidement au bal, où elle surpasse de loin les autres filles. Le prince passe toute la soirée avec elle. A la fin de la soirée, elle parvient à s’éclipser et à rentrer chez elle, laissant d’abord sa robe et ses chaussures sur la tombe de sa mère.
Le deuxième jour des festivités, Cendrillon attend que le reste de la famille soit parti pour se rendre au noisetier. Ce soir-là, on lui offre une robe encore plus splendide que la première, et la deuxième soirée se passe comme la première.
Le troisième soir, la robe qu’on lui offre surpasse de loin les deux autres. De nouveau, Cendrillon danse avec le prince toute la nuit. Il demande à la raccompagner chez elle, mais Cendrillon s’enfuit par les escaliers – que le prince a secrètement enduits de goudron, dans l’espoir de repérer un indice. Une des pantoufles dorées de Cendrillon se coince dans le goudron, et elle n’a d’autre choix que de la laisser là.
Maintenant que le prince a la chaussure de sa bien-aimée inconnue, il déclare qu’il n’épousera personne d’autre que la femme à qui elle appartient. Une recherche de maison en maison est mise en place, et les deux demi-sœurs ont la chance d’essayer la chaussure. Toutes deux se coupent une partie du pied pour que la chaussure leur aille, mais dans les deux cas, les oiseaux attirent l’attention du prince sur le sang qui jaillit des blessures, révélant ainsi leur ruse.
Le prince demande au père de Cendrillon s’il a une autre fille. Le père répond : « Il ne reste que la petite Cendrillon », qui ne peut pas épouser un prince. Mais le prince insiste pour que l’on donne une chance à Cendrillon.
La chaussure en or va parfaitement à Cendrillon, et elle et le prince deviennent des fiancés. Le jour du mariage, les deux demi-sœurs se rendent à l’église dans l’espoir de s’attirer les bonnes grâces de Cendrillon. Mais lors de la cérémonie, deux colombes blanches leur crèvent les yeux. En punition de leur cruauté, elles seront aveugles pour le reste de leur vie.
Analyse
Les frères Grimm ont adapté « Cendrillon » à partir d’une version française de 1697 de Charles Perrault, qui était également la source primaire du populaire film d’animation de Walt Disney. Ils ont ajouté un détail : les demi-sœurs mutilent leurs propres pieds pour les faire entrer dans la chaussure en or de Cendrillon. Les Grimms dépeignent également une Cendrillon plus forte et plus indépendante. Elle se rend aux bals nocturnes par ses propres moyens (pas de carrosse-citrouille pour elle !) et, lors de son mariage, des colombes crèvent les yeux des demi-sœurs. En fait, l’aveuglement des demi-sœurs est le seul événement du mariage qui est décrit. De même, l’objectif principal du mariage de Blanche-Neige semble être de faire danser sa marâtre avec des chaussures en fer rouge. Il est important pour les Grimm que les actes répréhensibles soient punis, et ils trouvent des moyens mémorables de blesser les personnages maléfiques.
Pour les protagonistes des Grimm, la souffrance est également importante : elle purifie leur âme et renforce leur détermination. Mais Cendrillon souffre davantage que de nombreuses autres princesses. Dans de nombreux contes de fées, la mort des mères des protagonistes n’est pas racontée, elle survient généralement avant le début de l’histoire. Dans le conte des Grimms, l’histoire s’ouvre sur les dernières paroles de la mère à sa fille, et le deuxième paragraphe décrit les visites de Cendrillon au cimetière. Même le fait que Cendrillon dorme dans les cendres laisse entrevoir son chagrin : « Cendres à cendres, poussière à poussière » est une phrase bien connue du service funéraire catholique.
La piété de Cendrillon et son dévouement à sa mère sont les clés de son succès auprès du prince. Lorsque son père voyage, elle demande seulement qu’il lui apporte une branche en cadeau. Cela semble presque une abnégation, mais la branche fait partie de l’histoire lorsque Cendrillon la plante sur la tombe de sa mère. Si elle n’avait pas demandé ce morceau de nature, la petite colombe blanche n’aurait jamais volé jusqu’à l’arbre ; si elle n’avait pas fait la connaissance de la colombe, elle n’aurait jamais eu de robes de bal ni même pu se rendre aux bals à temps. Les oiseaux n’auraient pas non plus picoré les yeux de ses demi-sœurs.
Cendrillon, comme beaucoup d’héroïnes des Grimm, accepte plutôt passivement les mauvais traitements de sa marâtre. En revanche, elle se montre assez inventive pour échapper au prince. Une fois de plus, la nature vient à son secours. Après le premier bal, elle « bondit » dans le pigeonnier. Puis elle s’échappe une seconde fois du bal et, « aussi agile qu’un écureuil », se précipite sur un poirier.
Le rôle du père de Cendrillon dans ces scènes est difficile à comprendre. Le fait que le prince attende le père après le premier bal suggère qu’il soupçonne en quelque sorte qui est Cendrillon. C’est difficile à imaginer, étant donné que la marâtre et les demi-sœurs ne la reconnaissent pas. Et pourquoi le père se demande-t-il immédiatement si la mystérieuse beauté est sa fille ? Et la deuxième nuit, pourquoi le père abat-il l’arbre où il pense que Cendrillon se cache ? C’est une façon risquée d’essayer de la retrouver.
D’autre part, le comportement de nombreux pères Grimm est déroutant. Comme pour le père de Blanche-Neige, celui de Cendrillon n’intervient jamais lorsque sa marâtre abuse d’elle. Il est important pour les lecteurs de voir avec quelle patience elle supporte sa souffrance – une héroïne souffrante est une figure de référence dans ces histoires. D’ailleurs, le réalisme de la caractérisation n’est pas le but de ces histoires. Ce qui est plus important, c’est le désir des Grimms de rendre chaque scène de chaque histoire aussi saisissante que possible sur le plan visuel. Ce que fait le père de Cendrillon n’a pas beaucoup d’importance. Le fait que Cendrillon saute dans les pigeonniers et grimpe aux arbres est ce que les Grimms veulent que leurs lecteurs retiennent.
Les pois secs et les lentilles sont mis à rude épreuve dans cette histoire. Il est difficile d’imaginer une tâche plus exaspérante que de trier les lentilles des cendres. De même, Vasilisa, l’homologue russe de Cendrillon, doit séparer les graines de pavot de la terre et le bon maïs du moisi.
La répétition du motif de la cendre est une autre façon de souligner que Cendrillon est toujours en train de faire face à la perte de sa mère. C’est aussi un symbole des moyens qu’elle trouve pour se nourrir. De manière plus pragmatique, il révèle une fois de plus l’importance de la nourriture dans ces histoires. Les légumineuses séchées ont toujours nécessité un tri avant de pouvoir être cuisinées.