Effets économiques
De fortes divergences d’opinion existent concernant les effets économiques de l’impôt sur les sociétés, en partie parce qu’il est difficile de déterminer qui le supporte réellement. La conclusion traditionnelle de la théorie économique est que l’impôt ne se reflète pas dans les prix à court terme et qu’il doit donc être payé à partir des bénéfices. Si les entreprises tentent de maximiser leurs profits, la taxe ne leur donnera aucune raison de modifier leurs prix. Le prix et la production qui génèrent les profits maximums avant la taxe génèrent également les profits maximums après la taxe. Bien que la taxe doive être couverte par les recettes des ventes, elle ne constitue pas un coût de production au même titre que, par exemple, les salaires, mais une part des bénéfices qui ne peut être calculée qu’une fois les recettes brutes et les coûts de production connus. Ce raisonnement s’applique aussi bien aux industries compétitives qu’aux industries moins compétitives ou entièrement monopolisées. Certaines réserves ont toujours été faites, mais elles sont de nature assez mineure. Plus important encore, la théorie ne concerne que la détermination des prix et de la production compte tenu du stock de capital existant. (La définition technique du court terme en économie est une période de temps pendant laquelle le stock de capital ne change pas). La théorie ne prédit pas quels seront les effets à long terme de la taxe, bien qu’elle indique qu’ils refléteront ceux d’une taxe sur les bénéficiaires de bénéfices plutôt que sur les consommateurs.
Cette vision de l’incidence de l’impôt sur les sociétés a été de plus en plus contestée. Ses opposants soutiennent que dans de nombreuses industries, les prix sont influencés de manière décisive par les actions de quelques entreprises leaders, qui ont pour objectif non pas des profits maximums à court terme mais un taux de rendement cible sur plusieurs années. Lorsque le taux de l’impôt sur les sociétés est augmenté, disent-ils, les entreprises leaders vont augmenter leurs prix de vente afin de maintenir le rendement cible, et les autres entreprises suivront. Selon cette hypothèse, les prix ne sont pas déterminés par la concurrence mais se situent généralement à des niveaux inférieurs à ceux qui permettraient de dégager des profits maximums à court terme. Une autre qualification du point de vue traditionnel est que les syndicats peuvent partager le fardeau de la taxe par des accords salariaux plus bas.
Le débat entre économistes et hommes d’affaires sur la question n’a pas été résolu par la recherche empirique. Certaines études menées aux États-Unis, au Canada et en Allemagne indiquent que l’impôt sur les sociétés est largement transféré aux consommateurs par le biais d’augmentations de prix à court terme, tandis que d’autres études soutiennent la conclusion inverse.
Si l’impôt n’est pas transféré aux consommateurs par le biais d’augmentations de prix, il aura tendance à réduire le rendement des capitaux propres des sociétés. (Comme les paiements d’intérêts sont presque toujours déductibles dans la détermination des bénéfices imposables, le rendement du capital emprunté n’est pas soumis à l’impôt sur les sociétés). Les rendements du capital dans les entreprises non constituées en société et des obligations et hypothèques auront tendance à baisser avec le temps, car les investisseurs tentent d’éviter l’impôt sur les sociétés en se déplaçant vers des zones non taxées. De cette façon, l’impôt sur les sociétés peut en fait peser sur l’ensemble du capital, plutôt que sur le seul capital investi dans le secteur des entreprises. Une réduction générale des taux de rendement peut freiner l’investissement en réduisant la récompense du succès et en réduisant la quantité de ressources disponibles sous forme de bénéfices non distribués des sociétés et d’épargne personnelle. Cela aura tendance à réduire le taux de croissance du produit national. En fin de compte, cependant, l’effet peut ne pas être dramatique. L’investissement en capital n’est qu’un des facteurs influençant les taux de croissance, et certaines analyses indiquent qu’il est moins important que d’autres phénomènes, tels que l’innovation technologique et l’éducation, qui influencent le taux de croissance.
Si l’impôt sur les sociétés réduit soit le rendement du capital social, soit le rendement de l’ensemble du capital, il sera globalement progressif, c’est-à-dire qu’il réduira le revenu disponible proportionnellement plus pour les personnes à haut revenu que pour les personnes à faible revenu. Cela s’explique par le fait que la fraction du revenu total représentée par les rendements de la propriété d’actions de sociétés et d’autres actifs financiers augmente avec le revenu. Cet effet ne vaut toutefois que dans l’ensemble, car certaines personnes à faible revenu, y compris de nombreux retraités, dépendent fortement des revenus d’investissement et du capital qui s’est accumulé dans les fonds de pension.
D’autre part, lorsque l’impôt sur les sociétés est répercuté sur les consommateurs par le biais de prix plus élevés, il agira, comme une taxe de vente, comme un impôt régressif, réduisant le revenu disponible proportionnellement plus pour les personnes à faible revenu que pour celles à revenu élevé. Un impôt sur les sociétés qui a été transféré aux consommateurs ne sera pas particulièrement nuisible à l’investissement, mais il peut avoir un effet négatif sur l’allocation des ressources et la position concurrentielle d’une entreprise sur les marchés étrangers.
En outre, les effets des taxes imposées par un gouvernement infranational seront différents des effets des taxes imposées par un gouvernement national. Une taxe d’État, par exemple, est plus susceptible d’être supportée par les consommateurs résidant dans l’État, par les employés qui travaillent dans l’État, ou par ceux qui possèdent des terres dans l’État.