Yuka le mammouth ; Crédit : F Latreille/Mammuthus/MCE
Un explorateur et chercheur français, le Dr Bernard Buigues, a trouvé Yuka près de l’embouchure d’une rivière sibérienne, en travaillant avec les peuples autochtones de la région. Une fonte sans précédent révèle aujourd’hui des centaines de carcasses de mammouths, mais il a trouvé celle-ci particulièrement bien conservée Devenue une toundra, la steppe sibérienne regorge de géophysiciens et de paléontologues japonais, américains, russes, mais aussi français. Les énormes défenses de 125 kg en intéressent certains, car elles ont grandi tout au long de la vie du mammouth, créant un enregistrement de couches minces. En comparant des populations entières de défenses, c’est presque comme si les mammouths étaient une espèce vivante à étudier. Nous en savons maintenant plus que de nombreuses espèces vivantes grâce à ces défenses. Dan Fisher, du Musée d’histoire naturelle de l’Université du Michigan, étudie la structure interne des défenses en les ouvrant soigneusement. Polies et observées à la lumière UV, les coupes transversales donnent un bel aperçu d’une vie d’il y a longtemps.
Les recherches alternatives montrent comment les isotopes de l’oxygène peuvent illustrer les sources d’eau et les isotopes de l’azote peuvent montrer la source de protéines. Les isotopes du carbone montrent les plantes consommées et leur quantité, révélant comment la famine hivernale était étendue dans de nombreuses lignées de croissance. Le sevrage est facile à repérer dans les sections des défenses. Les défenses montrent également que les mâles adolescents étaient chassés pour chercher de la nourriture, tandis que les mâles adultes mouraient de faim pendant le mois. Les batailles entre mâles rivaux sont révélées par les dommages subis par les défenses.
Il ne reste sur les squelettes que des quantités microscopiques d’ADN, y compris toutes les bactéries qui vivaient sur les animaux. On ne trouve donc souvent aucun ADN utilisable dans les os, mais les poils de mammouths sont abondants. Shampooinés, décolorés et digérés, les cheveux, même vieux de 18 000 ans, peuvent conserver 90 % de leur ADN. Le génome montre 4 « races » différentes de cette espèce. La recherche a également montré le sang recréé du mammouth. Il ne diminue pas sa capacité d’oxygène aux basses températures que le mammouth devait endurer. Cette capacité accrue à décharger l’oxygène était l’un des changements physiologiques essentiels évolués spécialement pour cette espèce, tout comme le rein de Yuka.
Cloner le mammouth est un objectif des scientifiques japonais depuis plusieurs années. Ils ont découvert de la moelle osseuse presque intacte à partir d’un os de cuisse à Yakutsk et espèrent utiliser une femelle éléphant pour ce qui est évidemment plus qu’une simple expérience dans les 5 prochaines années.
Avec des défenses deux fois plus longues qu’un éléphant, pourquoi le mammouth s’est-il éteint ? Le réchauffement après la glace du Pléistocène, et les ciels nuageux et la toundra humide qui en ont résulté ont provoqué un effondrement de la population il y a 30 000 ans, mais l’espèce s’est rétablie. Dan Fisher pense qu’un prédateur était responsable du déclin ultérieur. L’espèce a développé une maturation plus précoce et des intervalles de mise bas plus courts dans un effort pour survivre à cette prédation. Il n’y avait aucune preuve de l’existence d’un prédateur jusqu’à ce que Bernard Buigues trouve le cadavre d’un bébé mammouth sur le rivage de l’océan Arctique. Il était âgé de 3 ou 4 ans, mais avait au moins 10 000 ans enfouis dans la glace. La colonne vertébrale, le crâne et les défenses avaient été retirés, manifestement par l’activité humaine, mais on pense que le mammouth avait été tué à l’origine par des lions. Un tel nouveau mystère vient concurrencer les nobles ambitions de clonage. Qui et quand est la question la plus pertinente sur ce lointain crime contre les mammouths. Que pouvaient bien vouloir les humains, puisque sa viande n’était pas consommée ? Les recherches futures permettront peut-être de le découvrir.