J’étais prêt, très prêt, à aimer le nouveau mémorial de Franklin Delano Roosevelt à Washington. Après tout, j’aime les mémoriaux et j’admire profondément Roosevelt. Quelle déception que le mémorial du plus grand président de ce siècle soit un échec.
Il fonctionne, remarquez, comme un espace public. Il se prolonge à l’infini à travers quatre vastes « salles » de forme libre, en plein air, constituées de murs massifs en granit de 12 pieds ornés de citations de FDR et d’une sculpture ou d’une frise occasionnelle. Un journaliste de NPR sur le site m’a dit que cela ressemblait à un monument aux logements sociaux.
Puis vous lisez certains des écrits sélectionnés sur les murs et votre cœur se serre devant le « politiquement correct douloureux » de ce mémorial (pour citer la chroniqueuse Mary McGrory).
FDR était un grand libéral. Mais il n’était pas un libéral des années 90. Il était un grand ami du travailleur et des pauvres, par exemple, mais il n’était pas un grand ami de l’escargot. Pourtant, l’une des premières citations de FDR que vous rencontrez est celle-ci : « Le déséquilibre des ressources de la nature déséquilibre aussi la vie des hommes »
Un choix curieux venant d’un homme dont les immenses projets de travaux publics ont déplacé plus d’eau que quiconque depuis Moïse. Bien sûr, il y avait le Civilian Conservation Corps. Mais FDR l’écologiste ? C’est l’auteur de la Tennessee Valley Authority. C’est le constructeur des barrages de Bonneville et de Grand Coulee. Son barrage de Ft. Peck, dans le Montana, est toujours le quatrième plus grand du monde.
Cette petite pirouette environnementale dans la « pièce » 1 (quatre pièces pour quatre mandats) est votre premier indice qu’un agenda idéologique se cache ici, et ce n’est pas nécessairement celui de FDR. La plus flagrante est l’énorme inscription de la salle 3, les années de guerre. C’est une diatribe contre la guerre et elle se termine, en lettres énormes, par « Je déteste la guerre ».
« Je déteste la guerre » est répété sur un autre ensemble de blocs de granit. C’est la seule citation du mémorial qui apparaît réellement deux fois.
Quelle étrange façon de se souvenir du plus grand président guerrier de l’histoire américaine. Il a peut-être détesté la guerre – qui ne la déteste pas ? – et pourtant, contre une grande résistance pacifiste, il a essayé méthodiquement de faire entrer son pays dans la guerre. Et une fois dans la guerre, il l’a menée avec une détermination et une férocité rarement vues dans l’histoire de l’humanité.
C’est l’homme qui a construit la bombe atomique et (avec Churchill) a rasé Dresde. « Je déteste la guerre » ? Dans les années 40, il se faisait appeler « Dr Gagner la guerre ».
Et que fait la citation « Je déteste la guerre » dans la salle 3, consacrée à son troisième mandat ? Elle est tirée d’un discours prononcé lors de son premier mandat, bien avant l’Anschluss, Munich et le pacte Hitler-Staline.
L’absente de la salle 3 – absente de tout le mémorial FDR – est une ligne un peu moins obscure effectivement prononcée lors de son troisième mandat : « Hier, le 7 décembre 1941, une date qui restera dans l’infamie… ». Dans les années 90, vous voyez, nous sommes trop sensibles pour offenser, même l’infâme.
Et puis il y a la citation obligatoire des droits civils : « Nous devons veiller scrupuleusement aux droits civils et aux libertés civiles de tous nos citoyens, quelle que soit leur origine. »
La citation est trompeuse à deux égards. Elle est tirée d’une lettre adressée au Comité américain pour la protection des personnes nées à l’étranger. Bien qu’aujourd’hui l’expression « droits civils » connote l’avancement des Afro-Américains, FDR parlait clairement ici des droits des immigrants, et non des Noirs. Le visiteur moderne serait dupe.
Deuxièmement, malgré toutes les bonnes œuvres de FDR, il n’était pas un pionnier des droits civils. Il était tellement dépendant du soutien politique des ségrégationnistes du Sud qu’il a même refusé d’approuver un projet de loi fédéral contre le lynchage. La déségrégation en Amérique (des forces armées, par exemple) a dû attendre son successeur.
FDR a fait revivre une nation, a reconçu son gouvernement, a légué un filet de sécurité sociale, puis a vaincu le mal le plus radical de ce siècle. On pourrait penser que les mémorialistes seraient satisfaits d’un héritage aussi prodigieux. Ils ne l’ont pas été. Ils se sont sentis obligés d’en faire aussi un écologiste anti-guerre champion des droits civiques. Quel dommage.