Pendant pratiquement un millénaire, alors que le théâtre européen était « sombre », l’Église chrétienne n’a pas été capable d’éradiquer complètement l’élément festif parmi les gens du peuple qui se manifestait particulièrement au moment des semailles du printemps et de la saison des récoltes. Il est probable que, si l’église elle-même n’avait pas répondu au désir primitif des gens de « jouer » les histoires de leur vie, un théâtre séculier serait apparu à la place des pièces de Mystère, de Miracle et de Moralité du Moyen Age.
Il faut aussi se rappeler que partout le service de l’église était conduit en latin, ce qui le rendait tout à fait inintelligible pour les masses du peuple. S’ils devaient se familiariser avec les histoires de la Bible, cette connaissance devait leur parvenir par le biais d’une représentation des événements de la vie du Christ et de ses saints. Lorsque les prêtres ont commencé à essayer de mettre en scène les histoires de Noël et de Pâques, la conscience nationale était faible ou inexistante en Europe continentale. Il s’agissait, à toutes fins utiles, d’un vaste domaine vivant sous un système féodal et reconnaissant une allégeance nominale d’abord à Charlemagne, puis au « Saint Empereur romain germanique ». Il n’y avait, en outre, qu’une seule religion. Cette unité religieuse et politique a rendu extrêmement facile la diffusion des idées des pièces de Mystère et de Miracle par l’intermédiaire des bardes et des troubadours qui erraient de cour en cour des barons féodaux.
Au début, seuls les prêtres prenaient part à la mise en scène des événements de la vie du Christ et des saints et la représentation avait lieu dans l’église proprement dite. Plus tard, lorsque les représentations sont devenues plus élaborées et que l’espace est devenu un élément important, les mystères et les miracles ont été repoussés dans les cours des églises et les laïcs ont commencé à prendre part à la représentation.
Au début du douzième siècle, les frontières nationales devenaient plus ou moins marquées. L’Angleterre, de par sa position géographique, était isolée des courants de pensée qui traversaient l’Europe continentale, et là, à mesure que le peuple prenait la responsabilité de jouer les pièces sacrées, il devenait habituel de confier les incidents individuels aux guildes des différents métiers. En outre, on a ressenti le besoin de présenter, non seulement des incidents isolés ou des groupes d’incidents connexes à Noël et à Pâques, mais toute l’histoire de l’homme, depuis sa création jusqu’au jour du jugement. Les divers incidents de cette longue histoire étaient répartis entre les guildes d’un district, mis en scène sur des chariots faciles à transporter d’un endroit à l’autre, et présentés dans l’ordre approprié à des stations fixes dans tout le district. Cette histoire complète mise en scène par les différentes guildes était appelée « cycle » et, pour mieux l’identifier, elle était désignée par le nom du district dans lequel elle était présentée. À la lumière des temps modernes, les quatre cycles les plus importants étaient ceux de Chester, York, Coventry et Towneley (également appelé Wakefield). Le fait que ces cycles, même s’ils étaient de nature religieuse, tenaient compte de l’amour populaire pour la comédie est attesté par le fait que dans le seul incident qui subsiste du cycle de Newcastle, la femme de Noé est représentée comme une mégère.
A peu près à la même époque, tant en Angleterre que sur le continent, on conçut l’idée de représenter les vertus et les vices par leur nom dans la personne des acteurs, afin de donner au public une leçon de « morale ». De là naquirent les Moralités dont les plus célèbres sont le Castell of Perseverance anglais et Everyman… ce dernier étant vraisemblablement une importation de Hollande.
Les pièces de Mystère et de Moralité étaient souvent longues et fréquemment ennuyeuses. Pour soulager l’ennui, on présentait des « interludes » qui n’étaient ni plus ni moins que des farces burlesques, en règle générale plus distinguées par leur vulgarité que par leur humour. La plupart de ces farces venaient de France ou d’Italie et traitaient soit du sexe, soit de la digestion. Dans le meilleur des cas, cependant, elles perpétuent la véritable tradition des auteurs de comédies grecs et des romains Plaute et Térence. De ces « interludes » (littéralement « entre les jeux », ce qui était leur utilisation réelle en Italie) est née une farce rapide et émouvante qui était jouée indépendamment de toute autre représentation. La meilleure et la plus célèbre de ces farces du Moyen Âge est la farce française de Pierre Pathelin.
Cet article a été publié à l’origine dans Histoire Minute du Drame. Alice B. Fort & Herbert S. Kates. New York : Grosset & Dunlap, 1935. p. 7-8.
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