DISCUSSION
Le syndrome de Guillain-Barré est hétérogène, composé de plusieurs entités clinicopathologiques. Leurs caractéristiques cliniques, pathologiques et électrophysiologiques ont été examinées ailleurs.8 La neuropathie sensorielle aiguë comme type de syndrome de Guillain-Barré a été décrite. Elle est maintenant identifiée comme le syndrome de Guillain-Barré sensoriel. Oh et al ont rapporté huit patients atteints du syndrome de Guillain-Barré sensoriel, qui remplissaient les critères diagnostiques suivants : perte sensorielle symétrique d’apparition aiguë, progression jusqu’à 4 semaines, réflexes diminués ou absents, puissance musculaire normale, preuve électrophysiologique de démyélinisation dans au moins deux nerfs, évolution monophasique, aucune autre cause de neuropathie, pas d’antécédents familiaux de neuropathie et augmentation des protéines dans le LCR (chez certains).7
Le groupe de six patients que nous avons étudié répond à sept des neuf critères décrits ci-dessus. Ils diffèrent de la série rapportée par Oh et al par leurs caractéristiques électrophysiologiques et par le fait qu’ils ont des réflexes normaux ou vifs. Même si le tableau général est compatible avec le syndrome de Guillain-Barré sensoriel, ces deux caractéristiques suggèrent que le type de fibre nerveuse impliquée pourrait éventuellement être différent chez nos patients.
Les fibres nerveuses peuvent être classées en fonction de leur diamètre. Selon le schéma proposé par Lloyd, les fibres nerveuses non myélinisées ayant le plus petit diamètre sont classées dans le groupe IV.9 Les fibres autonomes postganglionnaires et les fibres sensorielles transportant la douleur et la température appartiennent à cette catégorie. La vibration et la proprioception sont transportées par de grosses fibres myélinisées. Par conséquent, dans les neuropathies périphériques avec une atteinte sélective des fibres de petit diamètre, identifiées comme des neuropathies à petites fibres, il devrait y avoir une perte sensorielle périphérique pour la douleur et la température avec des réflexes tendineux intacts. Il a été démontré que les fibres nerveuses de petit diamètre sont affectées dans les neuropathies associées à plusieurs conditions, y compris le diabète sucré,10 les tumeurs malignes,11 la vascularite,12 et l’amyloïdose.13 La neuropathie à petites fibres se caractérise par une altération de la sensation de douleur et de température, une dysesthésie douloureuse brûlante et un dysfonctionnement autonome avec une épargne relative des réflexes tendineux, de la proprioception et de la puissance musculaire.
Les six patients décrits ici présentent des caractéristiques cliniques compatibles avec une neuropathie sensorielle à petites fibres. Les études de routine de conduction nerveuse motrice et sensorielle ont évalué de grandes fibres myélinisées. Les résultats normaux de cette étude excluent les neuropathies démyélinisantes et axonales impliquant des fibres nerveuses de grand diamètre. La réponse cutanée sympathique (SSR) est une technique électrophysiologique permettant de mesurer la conduction sympathique périphérique par de petites fibres non myélinisées. La réponse cutanée sympathique est considérée comme anormale lorsqu’elle est absente, ce qui indique un dysfonctionnement des fibres sympathiques périphériques.14 Elle a été déclenchée dans tous les cas, sauf dans les jambes d’un patient, ce qui suggère que les fibres sympathiques périphériques ne sont généralement pas affectées. Le tableau clinique général ainsi que les résultats électrophysiologiques sont en faveur d’une implication sélective des fibres sensorielles de petit diamètre avec une épargne relative des fibres myélinisées de grande taille et des petites fibres sympathiques dans le groupe.
En général, l’issue semble être favorable. La dysesthésie par brûlure tend à disparaître dans les 4 mois. L’engourdissement et la perte sensorielle périphérique semblent durer plus longtemps. Cependant, les déficits résiduels ne sont pas assez graves pour entraîner un handicap significatif. Oh et al ont rapporté une bonne réponse aux stéroïdes chez l’un des patients de leur série de patients atteints du syndrome de Guillain-Barré sensoriel.7 Cependant, dans notre étude, un patient a été traité avec des stéroïdes oraux et son résultat ne semble pas être significativement différent des autres.
Ces six patients pourraient peut-être être considérés comme un sous-groupe du syndrome de Guillain-Barré sensoriel, car ils remplissent la plupart des critères diagnostiques décrits précédemment.7 Il semble raisonnable d’identifier cette entité clinique comme une neuropathie sensorielle aiguë à petites fibres (ASFSN), sur la base de leurs caractéristiques cliniques et électrophysiologiques, même si un test sensoriel quantitatif n’a pas été réalisé pour confirmer l’implication des petites fibres.
Dans les différents types clinicopathologiques du syndrome de Guillain-Barré, les dommages médiés par les anticorps semblent se produire à différents sites tels que la gaine de myéline,15 les axones,16 et les ganglions de la racine dorsale.17 L’implication des petites fibres dans le syndrome de Guillain-Barré a été mise en évidence dans une étude post-mortem, mais pas de manière isolée.18 Il est prouvé que dans les neuropathies périphériques, des systèmes de petites fibres fonctionnellement différents sont affectés indépendamment, et que l’implication sélective de différents types de petites fibres est fréquente.19 Cette étude suggère que dans le syndrome de Guillain-Barré, les petites fibres sensorielles sont une cible possible pour les dommages sélectifs causés par les anticorps. Les recherches futures à cet égard devraient viser à réaliser des tests électrophysiologiques détaillés pour évaluer la fonction des petites fibres, tels que des tests sensoriels thermiques quantitatifs, des tests quantitatifs du réflexe axonal sudomoteur et des tests autonomes cardiovasculaires, des études immunologiques pour identifier les anticorps impliqués et des essais de traitement immunomodulateur pour évaluer son efficacité et ses résultats.