7.2.1.5 Virus Wad Medani
Histoire. Le virus de Wad Medani (WMV) a été initialement isolé par R.M. Taylor et ses collègues à partir de tiques Rhipicephalus sanguineus (famille des Ixodidae, sous-famille des Rhipicephalinae), collectées sur des moutons près du village de Wad Medani (Soudan, Afrique) en novembre 1952. Sur la base de ses propriétés sérologiques, le WMV a été assigné au groupe antigénique de Kemerovo (famille Reoviridae, genre Orbivirus).1,2 Plus tard, plus de 20 souches de WMV ont été isolées à partir d’autres espèces de tiques : Hyalomma asiaticum (Asie centrale) ; H. anatolicum (Iran, Pakistan) ; H. marginatum (Inde) ; Amblyomma cajennense (Jamaïque) ; Rh. Microplus, anciennement Boophilus microplus) (Malaisie) ; et Rh. guilhoni et Rh. evertsi (famille Ixodidae, sous-famille Rhipicephalinae) (les deux espèces se trouvent au Soudan, en Égypte, au Sénégal, en Inde, au Pakistan, en Iran et en Jamaïque).1,3
Taxonomie. Le génome des orbivirus comporte 10 segments d’ARNdb, qui codent pour sept protéines structurelles (VP1-VP7) et quatre protéines non structurelles (NS1-NS4).4 Les scientifiques ont séquencé le génome de la souche LEIV-8066Tur (GenBank ID, KJ425426-35), isolée de tiques H. asiaticum dans le district de Baharly, au Turkménistan. La protéine la plus conservatrice des orbivirus est une RdRp (Pol, VP1). Une comparaison des séquences d’acides aminés VP1 pleine longueur du WMV avec celles d’autres orbivirus transmis par les tiques a révélé une identité de 54 %. La figure 7.1 présente une analyse phylogénétique fondée sur la comparaison des séquences d’acides aminés VP1 (Pol), VP3 (T2) et VP7 (T13) des orbivirus. Les principaux déterminants antigéniques des orbivirus sont situés sur trois protéines des couches externe et interne de la capside. Les plus divergentes sont les protéines VP2 et VP5. La protéine VP2 forme la couche externe de la capside et porte les principaux sites de neutralisation et de liaison aux récepteurs. En outre, la protéine VP2 est l’un des facteurs de virulence des orbivirus. La similarité des séquences d’acides aminés VP2 du WMV avec celles d’autres arbovirus transmis par les tiques est de 26 à 30 %. La similarité de la protéine VP5 du WMV avec celle d’autres orbivirus transmis par les tiques est de 45 %, en moyenne. Parmi les protéines structurelles, la plus conservatrice est la VP3 (T2), qui forme la couche interne de la capside. La protéine VP7 (T13) est impliquée dans l’interaction virus-cellule et, comme la protéine VP2, est un des facteurs de virulence, définissant notamment l’infectivité du virion. Dans un virion intact, les épitopes antigéniques VP7 (T13) sont cachés et ne peuvent donc pas être bloqués par des anticorps neutralisants. VP7 (T13) possède des déterminants antigéniques spécifiques du groupe et de l’espèce. La similarité des séquences d’acides aminés VP7 (T13) du VMM avec celles des orbivirus transmis par les moustiques est de 46%, et avec celles des virus transmis par les tiques est de 67%.
Le segment génomique 9 des orbivirus code pour l’enzyme virale VP6 (Hel), qui possède une activité de liaison à l’ARN et d’hélicase. La similarité de la VP6 (Hel) du WMV avec celle d’autres orbivirus transmis par les tiques est de l’ordre de 36 à 38 %. Il a été démontré que le segment 9 du GIV, du BAKV et du BTV possède un ORF supplémentaire qui code pour une protéine dénommée VP6a ou NS4 dont la fonction est inconnue. Comme les autres orbivirus transmis par les tiques, le WMV code également pour l’ORF VP6a. Il est à noter que, bien que les séquences d’acides aminés VP6a du GIV, du BAKV et du WMV présentent un faible niveau de similitude (20-30 %), elles ont la même taille (195 aa) et possèdent deux codons de départ fermés. La longueur de l’ORF VP6a des arbovirus transmis par les tiques est presque deux fois supérieure à celle du BTV.5 L’analyse phylogénétique présentée à la figure 7.1, analyse basée sur une comparaison des protéines structurelles et non structurelles des orbivirus, révèle que la topologie du WMV sur l’arbre confirme la classification du virus dans le groupe antigénique B du genre Orbivirus.
Epizootiologie. Des anticorps contre le WMV ont été trouvés chez les chameaux et les buffles.1 Deux souches du virus Seletar, qui est étroitement lié au WMV, ont été isolées par A. Rudnik à partir de tiques B. microplus, collectées dans la région de Seletar à Singapour en janvier 1961. Comme B. microplus est une tique à hôte unique, passant toute sa vie sur un seul hôte, la transmission transovarienne semblerait être nécessaire pour la préservation de la population virale.5,6 Quatorze souches de WMV ont été isolées au cours de la surveillance virologique de différents écosystèmes en Eurasie du Nord : 10 souches au Turkménistan,7-11 2 au Kazakhstan,12-16 1 au Tadjikistan et 1 en Arménie.17Au Turkménistan, toutes les souches de WMV ont été isolées à partir de tiques H. asiaticum, collectées sur des moutons et des chameaux dans le district d’Ýolöten de la province de Mary (dans des paysages semi-arides) ou dans le district de Baharly de la province d’Ahal (dans des paysages arides) en 1972, 1973 et 1981.7-10 Au Kazakhstan, deux souches ont été isolées à partir de H. asiaticum dans des paysages arides du district de Balkhash (province d’Almaty) en 1977. La proportion d’ixodidés infectés a été estimée à 0,094%.12-16 Au Tadjikistan, une souche de WMV a été isolée à partir de tiques H. anatolicum. Ces tiques représentaient 76,5 % de tous les ixodidés de ce territoire, et la proportion de tiques H. anatolicum infectées atteignait 0,002 %.17,19 Dans le climat aride de la partie sud du Tadjikistan, une ou deux générations de tiques ixodides peuvent se développer au cours de l’année. Le VMM a été isolé à partir d’imagos affamés, ayant hiverné et présentant une transmission transstadiale du virus.13,17 L’infection expérimentale de veaux a montré que le niveau de virémie du VMM est suffisant pour infecter les larves de H. anatolicum, qui ont ensuite transféré le virus à des imagos qui assurent l’activité et la stabilité des foyers naturels du VMM.20 L’immunité au VMM parmi la population humaine du sud du Tadjikistan atteint 7,8-10,3 %, tandis que dans les provinces du nord, elle ne dépasse pas 2,1 %.20,21 En Transcaucasie, le VNO a été isolé à partir de tiques H. asiaticum collectées près de Nakhichevan, en Azerbaïdjan, en 1985.18 Les résultats obtenus par l’isolement du VMM au Kazakhstan, en Asie centrale et en Transcaucasie indiquent que les tiques H. asiaticum et H. anatolicum jouent le rôle principal dans le maintien des foyers naturels du virus dans les biocénoses de pâturage et dans les paysages arides et semi-arides.
Epidémiologie. Rien n’indique que le VMM soit pathogène pour les humains.