DISCUSSION
Un homme de 27 ans présentant une lésion ischémique du thalamus paramédian droit a développé des mouvements involontaires rapides, symétriques et soutenus des paupières lors de la fermeture volontaire des yeux. En dehors d’une altération de la vigilance au début, un signe bien connu des infarctus thalamiques paramédians9, aucun autre déficit neurologique n’a été observé. Comme les secousses rythmiques des paupières de notre patient n’étaient pas précipitées par de lentes dérives vers le bas et qu’elles étaient indépendantes de la convergence ou de la direction du regard, cet état est différent des cas de nystagmus des paupières rapportés précédemment2. De plus, notre patient ne présentait aucun nystagmus oculaire associé ni aucun signe de maladie du mésencéphale, de la moelle épinière ou du cervelet, qui accompagne fréquemment le nystagmus des paupières.2,6,10 La fréquence des secousses des paupières du patient (environ 7 Hz) diffère également du blépharoclonie, c’est-à-dire des secousses répétitives des paupières, fréquemment induites par la fermeture des yeux, mais se produisant à des fréquences d’environ 2-4 Hz.3 En ce qui concerne leur régularité et les caractéristiques de leur mouvement, nous qualifions les mouvements involontaires des paupières de notre patient de tremblement des paupières.
Des mouvements involontaires des paupières ont été décrits occasionnellement lors de lésions affectant le thalamus.4,11,12 Parmi ces cas, on rapporte un patient présentant des lésions ischémiques bilatérales confinées au thalamus paramédian, qui présentait des mouvements involontaires bilatéraux incapacitants des paupières, ce qui pourrait bien représenter une variante sévère du tremblement des paupières observé ici.L’IRM montre que la lésion du côté droit de ce patient correspond très étroitement à la lésion de notre cas. Cependant, une lésion supplémentaire et légèrement différente au niveau du thalamus paramédian gauche rend difficile une comparaison directe avec notre patient. Cela s’applique également aux trois autres cas, où des lésions supplémentaires et des déficits neurologiques empêchent de tirer des conclusions sans équivoque sur les noyaux thalamiques affectés.4,11
Normalement, les mouvements des paupières résultent de l’activité antagoniste du LP et de l’OO, qui s’inhibent mutuellement.6 Les mouvements involontaires des paupières peuvent donc résulter d’une excitation ou d’une inhibition inappropriée du LP ou de l’OO, ou des deux.1 Chez notre patient, il y avait une activité inappropriée de l’OO avec les yeux ouverts et une activité inappropriée du LP avec les yeux fermés. L’écart entre la fréquence des contractions du LP et de l’OO suggère en outre que l’inhibition réciproque entre les deux muscles était altérée. Étant donné qu’une lésion ischémique devrait entraîner une perte de fonction, la désinhibition plutôt qu’une excitation anormale de l’OO et du LP est l’explication la plus probable de ces résultats. On peut supposer que la lésion du thalamus paramédian a entraîné une perte du contrôle inhibiteur des structures prémotrices corticales et/ou sous-corticales impliquées dans les mouvements des paupières.
Au niveau cortical, les études d’imagerie fonctionnelle chez l’homme et les études électrophysiologiques chez le singe indiquent que les régions frontales largement congruentes avec le champ oculaire supplémentaire et le champ oculaire frontal, sont impliquées dans les mouvements des paupières13,14. Les deux régions se projettent directement sur le gris périaqueducal,15-17 c’est-à-dire la région qui fournit une entrée tonique aux motoneurones LP dans le noyau caudal central non apparié pour maintenir la position de la paupière ouverte.5,6 Comme ces projections passent par la capsule interne et non par le thalamus,17 une lésion des connexions corticonucléaires directes ne peut pas expliquer le tremblement des paupières chez notre patient. En effet, les deux régions ont des connexions réciproques supplémentaires avec le thalamus paramédian, en particulier avec les divisions multiforme et parvocellulaire du MD qui présentent une forte densité de neurones GABA-ergiques inhibiteurs18.Le MDpc est également connecté au cortex moteur cingulaire rostral, c’est-à-dire la région qui fournit une entrée corticale au sous-noyau intermédiaire controlatéral et ipsilatéral du noyau facial, qui contient des motoneurones pour l’OO.18,22 Ici, le MDpc a été clairement lésé et est donc probablement responsable du déficit de notre patient, car aucun des autres noyaux affectés n’a de connexions comparables avec les structures prémotrices impliquées dans les mouvements des paupières. Nous supposons que la lésion du MDpc peut avoir induit un déséquilibre excitateur-inhibiteur entre les signaux directs corticonucléaires et indirects médiés par le thalamus pour la fermeture volontaire des yeux. Bien que très spéculative, cette hypothèse peut également expliquer pourquoi des troubles comparables ne sont pas observés avec des lésions hémisphériques plus importantes, car dans ces cas, ces voies directes et indirectes sont endommagées simultanément.
En résumé, ce cas montre que le tremblement des paupières peut être un signe clinique de lésions focales affectant le thalamus paramédian, très probablement le MDpc. Il est à noter que des contractions inappropriées du LP et de l’OO avec une inhibition réciproque perturbée similaires à celles observées chez notre patient ont été enregistrées dans un sous-groupe de patients atteints de blépharospasme1. Notre cas apporte donc un soutien supplémentaire à un rôle possible du thalamus paramédian dans la pathogenèse de ce trouble.12 Cependant, il reste à savoir si le rôle inhibiteur supposé de cette région cible les régions corticales impliquées dans les mouvements des paupières, d’autres noyaux thalamiques ou les noyaux du tronc cérébral contrôlant le LP et l’OO.