Music For Airports de Brian Eno fête son 40e anniversaire ce mois-ci. Ce disque est largement considéré comme formalisant la musique ambient telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Pour ceux d’entre nous qui sont habitués aux rythmes répétitifs et aux accroches de la musique pop, la musique ambient peut sembler un peu dépouillée. Souvent dépourvue de paroles, d’une mélodie fredonnable et de structures de chansons pop, elle consiste à créer un environnement autour de l’auditeur. La musique ambiante flotte dans l’air comme un brouillard, créant une sorte de teinte acoustique qui peut être véritablement affective.
Music For Airports proposait une nouvelle façon d’aborder la musique, non pas comme quelque chose à siffler ou à chanter, mais à consommer doucement. Joint au disque, un court essai d’Eno posait les bases de cette approche :
La musique ambiante doit pouvoir s’accommoder de plusieurs niveaux d’attention d’écoute sans en imposer un en particulier ; elle doit être aussi ignorable qu’intéressante.
Bien que la musique ignorable puisse sembler un peu redondante à l’ère de la distraction sans effort, les notes initiales d’Eno sur la musique ambiante ont encore du poids. Plus précisément, ses idées sur l’adaptation aux différents états d’écoute que nous apportons chacun à nos rencontres musicales se sont épanouies et ont permis à l’ambient de devenir une musique de moments vécus.
Chaque fois que vous rencontrez un morceau de musique ambient, il se déplace et se modifie toujours aussi subtilement à mesure que les sons qui vous entourent fusionnent avec lui. De même, nos capacités d’écoute et de concentration (ou non) affectent grandement nos rencontres avec elle.
Pour marquer cet anniversaire, voici une sélection chronologique d’enregistrements ambiants qui ont contribué à tracer sa géographie sonore. Elle n’est en aucun cas exhaustive : de nombreux autres disques ont été tout aussi influents, ont élargi les genres et ont connu un succès commercial. Considérez ceci comme une façon de patauger dans le désert brumeux qu’est la musique ambient.
1980
Harold Budd’s Ambient 2 : The Plateaux of Mirror est le deuxième de la série Ambient de Brian Eno. Ce disque, avec The Pearl, est venu incarner les structures musicales ouvertes qui constituent les éléments de base de l’ambient. Les doigts de Budd naviguent en cycles perpétuels sur les touches du piano, les tonalités reflétant une promenade imaginée dans un endroit où vous n’êtes peut-être jamais allé.
1982
Pauline Oliveros reste l’un des compositeurs les plus importants du 20e siècle. Accordéon et voix la saisit en train de créer de vastes espaces à partir de la plus simple des entrées : la voix et un seul instrument.
Bien qu’il ne soit pas aussi célèbre que ses débuts dans la musique ambiante, Ambient 4 : On Land de Brian Eno est le premier disque à explorer de manière significative les influences de la terre et du lieu dans la composition ambiante. C’est également un disque qui a capturé un sens distinct de l' »eerie », comme l’a récemment observé le théoricien de la culture Mark Fisher.
1990
Plus connu pour son coup de pub impliquant la combustion d’un million de livres, Chillout de The KLF a symbolisé la popularité croissante de l’ambient et son passage dans le courant dominant au début des années 1990. En effet, à cette époque, le terme était surutilisé au point que sa signification était devenue au mieux opaque. Les espaces Chillout parsemaient la plupart des raves et autres soirées dansantes underground, proposant une musique qui évitait expressément les rythmes durs et les battements rapides par minute.
1993
Le Permafrost de Thomas Köner a été le fer de lance d’un nouveau fil conducteur, dit isolationniste, de la musique ambient, qui s’intéresse aux champs sonores glacés et aux explosions déchirantes à basse fréquence, qui donnaient l’impression à l’auditeur de puiser dans les chants des plaques tectoniques.
1994
S’il y a un disque qui a solidifié la pertinence continue de l’ambient dans les années 1990, c’est bien le Selected Ambient Works Volume II d’Aphex Twin. Il reste une pierre de touche pour l’extrémité plus accessible du genre, une collection doucement balayée de phrases harmoniques chaudes se lavant sur des lignes de basse pulsées et des grooves downtempo filtrés.
1999
Avec la simple introduction d’une grosse caisse pulsée, Wolfgang Voight (sous le nom de Gas, peut-être une référence à la forme musicale nébuleuse de l’ambient) a marqué un nouveau territoire pour cette musique avec une série d’enregistrements dont Königsforst. Sur ce terrain frais, un battement de cœur à basse fréquence pouvait pomper de l’énergie à travers des nuages malaisés de sons et de mélodies.
2002
L’œuvre étendue Disintegration Loops de William Basinski s’impose comme l’une des exécutions les plus tranquillement puissantes de la musique ambient de ce siècle. Avec le son littéral de matériaux magnétiques tombant de boucles de bande en décomposition, la simplicité singulière de cette œuvre ne manque jamais d’étonner.
2005
Alors que son travail existe en excès de ce que certains pourraient considérer comme de la musique ambient, L’île re-sonante d’Éliane Radigue cristallise tant de choses sur la capacité du genre à être profondément affectant sans devenir didactique d’aucune façon. Les pièces de Radigue, qui s’inspiraient souvent de son intérêt pour la philosophie bouddhiste, étaient en grande partie réalisées avec le légendaire synthétiseur Arp 2500, adepte de la création de tonalités électroniques ondulantes.
2008
Dragging A Dead Dear Up A Hill de Grouper est un autre disque qui a recontourné les frontières de l’ambient. Son utilisation d’espaces flous et caverneux, dans lesquels Grouper enfouit ses chansons, crée un royaume unique de beauté indistincte.