Un mince emballage en carton à pois roses et à bord volanté s’enroule autour d’une tour de crème fouettée en spirale. Au sommet du bouffant laitier, une cerise rouge électrique brille comme une pierre précieuse nichée dans le nuage de crème. La petite fille peut daigner prendre une cuillère, mais la bonne mamie new-yorkaise corrigerait cette fausse étiquette : Le bon Charlotte Russe de l’Empire City ne se sert pas à la cuillère, mais se pousse.
Caché à la vue, à la base de la montagne laitière, se trouve un gâteau éponge moelleux, souvent recouvert d’une couche ou d’une cuillerée de fruits frais. Malgré la relative rareté de la Charlotte Russe dans les pâtisseries urbaines aujourd’hui, les citadins aguerris se souviennent avec tendresse de l’époque où une pièce de cinq cents pouvait acheter cette friandise d’automne et d’hiver. Alors que les enfants rentraient à la maison le visage plein de mousse, les mangeurs expérimentés (et économes) pouvaient savourer leur tasse pendant des heures, léchant et poussant lentement la base en carton vers le haut jusqu’à ce qu’ils révèlent enfin le gâteau moelleux en dessous.
Bien qu’elle ait toujours une apparence royale, la Charlotte Russe de New York se distingue de son prédécesseur français, les Charlottes à la Russe. La plupart des récits désignent Marie-Antoine Carême, un maître de la grande cuisine française, comme l’inventeur du plat original, peut-être rebaptisé Charlottes à la Parisienne en l’honneur du tsar Alexandre Ier, un Russe en visite. Le plat original, qu’il décrit dans son livre de cuisine du XIXe siècle, The Royal Parisian Pastry Cook and Confectioner, comprend des doigts de dame placés de manière décorative dans un moule octogonal, qui est ensuite rempli de crème bavaroise et recouvert d’autres doigts de dame. Refroidi et retiré de son moule, le plat français aurait ressemblé à un gâteau en forme de dôme.
Cependant, ceux qui se souviennent des premiers push-pop de gâteau de New York jurent que c’était aussi une affaire grandiose, complète avec risque et récompense. Poussez lentement et léchez légèrement, ou vous pourriez vous retrouver avec une couche de liquide. Il est peut-être temps de convaincre les boulangers new-yorkais que cet art comestible (et l’art de manger) mérite d’être préservé.